Yonathan Avishaï Trio au Caillou

Texte : Philippe Desmond ; photos : Alain Pelletier

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En arrivant un petit regret que le Caillou ne soit pas Rocher car il est plein, trop plein – tant mieux – et même debout au bar les places sont chères… alors que l’entrée est gratuite.

Ce soir apparemment c’est du sérieux, en effet Philippe Méziat s’est déplacé et il est attablé devant les quelques mètres carrés qui font office de scène. C’est que le pianiste Yonathan Avishaï commence à prendre une place importante dans la scène jazz et notamment avec son nouveau trio. Le voilà donc revenu dans la région, il n’y a pas si longtemps, installé en Dordogne, il jouait en duo avec le batteur Bertrand Noël qui au passage jammait la semaine dernière au Tunnel. Mais revenons à notre Caillou.

Coincé au bar entre le passage et une table je ne sais pas encore que ce soir je vais avoir droit à un concert en stéréo. Le trio vers ma gauche, une famille attablée à ma droite.

Yonathan présente ses compères, Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Départ en douceur pour « Modern Times » restitution de son dernier et superbe album. On sent de suite une touche de poésie notamment lors de passages minimalistes alors qu’à ma droite la conversation commence à s’organiser une fois la commande passée ; mais je ne suis trop distrait par la musique pour comprendre les règles du jeu de rôles évoqué et dont je n’ai pas entendu le nom.

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Le trio a un style vraiment original ce qui n’est pas une mince affaire pour ce genre de formation souvent conventionnelle. Beaucoup de nuances, de délicatesse, des fulgurances puis un retour au calme. Les musiciens s’écoutent, dialoguent, trialoguent. La musique parait très écrite ce que me démentira Donald le batteur à la pause, on fait nos solos ensemble plaisante-t-il. On sent l’histoire du jazz poindre de ci de là, du ragtime au détour d’un morceau, les années 20, le swing des années 40, Duke, Louis…C’est très riche. A ma droite moins, j’apprends que Supertramp passe en automne à Bordeaux et que « cette fois je vais pas les rater ».

Le toucher d’Avishaï est très particulier, passant des mains et doigts tendus très percutants à des caresses aux mouvements imperceptibles ; un virtuose. Il ira même « trafiquer » dans le ventre de son piano à même les cordes. Yoni Zelnik le bassiste est très musical lui aussi capable de finesse et d’énergie. Quant à Donald Kontomanou il joue de la musique plus qu’il ne fait des percussions, il nous gratifiera d’ailleurs d’un solo très original. A ma droite ça l’est moins, on évoque les frais de taxi de l’ex présidente de l’INA « un scandale ! et en plus elle a un chauffeur ! ».

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Tour à tour les passages poétiques et je l’ai déjà dit minimalistes vont se mélanger à un thème latino proche du cha cha, une citation de béguine, un suave tango puis une jolie rumba pleine d’élégance. C’est une découverte permanente. Pas de découverte à ma droite où l’on déplore la France en faillite, la dette et tout le tintouin. On se croirait sur BFM. Heureusement pour eux et pour moi la viande est bien cuite.

Certains passages sont résolument modernes presque free. Puis – j’aurais tendance à dire enfin – Yonathan Avishaï nous montre ce qu’il a dans les doigts. Et là ça décolle vraiment. Quel pianiste, il est tout simplement magique. Moins magique est la situation financière de la justice en France, notamment le tribunal de Niort ; faudra que j’aille vérifier.

Très beau concert, très varié, plein de surprises. Un univers original loin de la routine de certains trios, de la finesse, de la subtilité et beaucoup de gaîté. Et le dessert était délicieux, nous voilà donc tous heureux. Et un dernier scoop pour la route : « c’est MC Solar qui a inventé le rap, vous devriez écouter les enfants ».

Yonathan Avishaï, retenez ce nom et ne le ratez pas quand il revient.

 

Texte : Philippe Desmond ; photos : Alain Pelletier

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