Woods au Comptoir du Jazz

Par Philippe Desmond.

Deux fois n’est pas coutume, après le John Perkins Revival récemment chroniqué, on va parler de rock et de blues, peut-être pas du jazz mais par contre de l’action.

« J’ai un pote qui joue samedi au Comptoir du Jazz, vous venez ? » « C’est qui, c’est quoi ? » « Du rock-folk-blues, c’est bien ». Passer une soirée en bande avec des amis quelle que soit la musique c’est toujours un plaisir, alors OK miss on vient. On a drôlement bien fait !

Le Comptoir est un peu désert à l’heure prévue du début de concert, 21 heures un samedi soir c’est tôt, d’ailleurs ça ne commencera qu’après 22 h mais ce soir on a le temps, une heure de plus nous tombe du ciel. La scène est prête et déjà nous met la puce à l’oreille, les guitares sont alignées, on dirait un show-room de chez Fender et Gibson, pas des copies, des vraies.

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Les musiciens arrivent, pas des copies, des vrais avec le look qui va bien, trois gaillards bien mûrs aux barbes et cheveux  gris – très longs pour certains – qui trahissent leur génération. Ils se servent dans le show-room, une Precision Bass, une Mustang et une Les Paul. Derrière – et oui loin derrière, au Comptoir sur cette scène foutraque le batteur est toujours relégué au fin fond – c’est un tout jeune qui s’installe aux baguettes ; il est loin mais va se faire entendre…

Et en ce mois d’octobre 2015 où on célèbre « Retour vers le Futur » c’est ici aussi un voyage dans le temps qui commence, musical celui-là, période 65-75. Ce soir, en plus d’une heure on gagne 40 ou 50 ans.

Ça part en douceur avec notamment « Heart of Gold » de Neil Young. Urban Chad le guitariste chanteur de sa haute stature domine son sujet, belle présence, voix puissante de rocker, ça le fait.

Mais de suite on sent que le lead guitar a des fourmis dans les mains. Eric Rey – le pote de la pote – va s’avérer un redoutable guitariste, pas du type « t’as vu comment je joue vite » mais capable à la fois de musicalité et d’intensité dans ses chorus, un régal toute la soirée. Il me dira qu’avec la rythmique qu’il a derrière il se promène.

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Ah ça oui, le bassiste Bill Ledresseur (joli nom), à la barbe ZZ Topienne, est un vrai métronome et fait honneur au « Precision » de sa basse ; ça tombe lourd mais  clair, précis, indispensable ; à la batterie Haze Francisco est monstrueux, il martèle sans excès mais avec à la fois justesse et énergie. Il est Philippin, trouvé sur internet dans une bourse aux musiciens et il est le seul pro du groupe. Et oui, les autres sont « amateurs » et ont un « vrai » métier car comme me dit Eric Rey « La seule façon de gagner de l’argent pour un musicien c’est de vendre ses instruments ». L’ensemble lui est très près pro et avec un super son, le projet existe depuis trois ans et a eu le temps de se roder même si Haze n’a rejoint le groupe que l’année dernière.

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Entrecoupé de quelques très bonnes compositions qui figurent dans leur album « The Good Side of the Neck », vont défiler celles de John Martyn, des Byrds, de Neil Young (« Cortez the Killer ») de Joe Cocker (« Feelin’ Allright »), des Beatles (un « Come Together » musclé), de Creedence Clearwater Revival (« Proud Mary » et un « Born on the Bayou » étincelant), de Led Zep (le magnifique « Tangerine »). Pour finir en rappel avec les célébrissimes riffs de « Sunshine of your Love »  de Cream et de « Jumping Jack Flash » des Stones. Quand ils sont lancés tous les quatre avec les trois guitaristes en battle devant croyez-moi ça déménage et le public qui a fini par remplir à ras-bord le lieu ne s’y est pas trompé.

Allez voir Woods (ils sont sur FB) dont j’ai réussi à faire une chronique sans dire qu’ils envoyaient du bois… Ah je l’ai dit ?

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Bignol Swing … un remède à la mélancolie


Comptoir du jazz. 30/05 – Par Annie Robert

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Le hasard fait parfois bien les choses…. Que faire pour terminer la soirée de départ de la solitaire du Figaro ? Musique ? Pourquoi pas… Comptoir du jazz ? Allons y….. Habillés de blancs, chaussures pointues, banane rockabilly, barbe de bûcheron canadien, ces quatre-là vous sautent aux yeux avec bonheur.Le Bignol swing envahissait hier soir la scène du Comptoir du jazz et ça sentait bon la danse et le rythme endiablé. Mélange heureux de jazz à la django, de déconnade, de rire et bonne musique, voilà un moment de plaisir que l’on ne peut refuser. Adieu les grognons, adieu le moral en berne, adieu la grisaille. Trois guitares agiles, qui alternent improvisations et pompes manouches frénétiques avec une belle virtuosité, et une contrebasse rieuse  composent ce quatuor de choc. Une amie accordéoniste vient  sur certains morceaux, rajouter ses  improvisations déliées à leur délire. Entre standards de jazz, clins d’oeils à l’Italie et à l’Espagne, petites chansons anciennes revisitées (Rina Ketty et son « j’attendrai toujours » hilarant ), pastiches et grosses bêtises, pas un instant d’ennui. Et en plus,ils chantent mais oui, en duo, en solo, à quatre voix harmonisées, de fort belle façon…c’est toujours gai, enjoué, amusant plein d’humour. Ils se définissent eux-mêmes comme «  du Polyphorire et mise en swing : une alchimie entre Django et les frères Jacques, entre les Inconnus et les Andrews Sisters (en hommes…). » D’ailleurs,on rit beaucoup et on danse aussi, le parquet du comptoir du jazz se remplit petit à petit de danseurs convaincus et heureux. Ca gigote du mollet, ça tournicote, ça virevolte, ça se dandine. On a des fourmis plein les pieds. Bien sûr les quatre compères ne vont pas révolutionner le monde du jazz, ce n’est sûrement pas leur but, mais la musique qu’ils proposent , est de la belle ouvrage, plus que simplement agréable, elle nous redore le moral, nous lisse les problèmes, nous rétablit le sourire, nous aère les neurones, bref fait corps avec la vie. Bon sang ce que ça fait du bien !! Courrez y vite si vous croisez leur chemin, ils sont à eux seuls un remède à la mélancolie.

Shekinah Gatto Septet au Comptoir du Jazz

Texte : Philippe Desmond. Photos : Thierry Dubuc (couleur) Alain Pelletier (NB)

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Aujourd’hui 30 avril c’est la Journée Internationale du Jazz créée par l’UNESCO – rien moins – en 2005. Vous me direz que chaque jour est une journée internationale de quelque chose, de la Femme aux Droits de l’Homme en passant par celle des toilettes, oui les WC, vérifiez c’est le 19 novembre.

Nous sommes Action Jazz pas Action WC (ça doit bien se trouver en supermarché) alors parlons de la journée du Jazz.

A Bordeaux plein événements, au Tunnel pour la clôture de la saison avec la Dream Factory, Roger Biwandu, Nolwenn Leizour, Hervé Saint-Guirons et ce soir les guitaristes Dave Blenkhorn et Yann Pénichou , superbe concert m’a-t-on dit, ou encore à Pena Copas y Compas  avec Taldea et un jazz influencé par l’Espagne et Pat Metheny autour de Jean Lassalette, Christophe Léon Schelstraete, Stéphane Mazurier, Nicolas Mirande, Jeff Mazurier et Thomas Lachaize ; excellent aussi m’a-t-on confié.

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Il faut choisir ce sera donc au Comptoir du Jazz avec le septet de Sheki Gatto. Shekinah aux sax alto et soprano, à la flûte et au chant, Olivier Gatto à la contrebasse et à la direction musicale, Guillaume Nouaux à la batterie, Francis Fontès au piano, Mickaël Chevalier à la trompette, Sébastien Iep Arruti au trombone et Jean-Christophe Jacques aux sax ténor et soprano.

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Nous voilà donc au Comptoir du Jazz qui depuis quelques années n’avait plus guère que le comptoir, le jazz n’y trouvant plus le refuge traditionnel. Grâce à la nouvelle direction, à Benjamin Comba et Musik’Tour Production le jazz revit dans ce lieu emblématique.

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21h30 le quai de Paludate est encore calme et le Comptoir se remplit doucement. Un septet sur la scène foutraque du lieu avec en plus un piano à queue c’est quasiment une prouesse. Devant, la « cuivraille » et derrière la rythmique, Francis Fontès et son beau piano noir relégués au fond.

Ça démarre et ça va être un festival ! « Song from the underground railroad » de Coltrane permet au septet de s’échauffer, pas encore de chorus, ça viendra après. « One day I’ll fly away » de Joe Sample amorce, comme le titre l’indique, le décollage.

Attachez vos ceintures, c’est parti avec « My favourite things » de Coltrane et une suite de chorus majestueux de chacun des membres du groupe. Shekinah à la flûte telle Eric Dolphy, Jean-Christophe et son soprano – une bête de course – à la place du Maître, « Mc Coy » Fontès impressionnant – rappelons que ce n’est pas son métier, il est radiologue ! -, « Elvin » Nouaux, un des batteurs les plus musicaux et créatifs que je connaisse et la colonne vertébrale du tout, Olivier Gatto particulièrement en verve. N’oublions pas Mickaël Chevalier et sa trompette à l’état brut, magnifique dans ses prises de risque et le surprenant trombone de Sébastien Arruti, spectaculaire et inspiré avec cet instrument si bizarre. La salle qui commence à bien se remplir est aux anges.

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« Wise One » encore de Coltrane – ne nous plaignons pas – puis comme un cheveu sur la soupe un titre qui enflamme la salle, le classique du jazz New Orleans « Second Line Break », Shekinah en profitant pour présenter en chantant les membres du groupe.

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Pause. L’occasion de bavarder et d’apprendre que relancer le jazz au Comptoir c’est dur. Des concerts prévus jusqu’à l’été sont annulés, le public n’est pas assez présent ; pourtant il l’était en nombre ce soir. Il y a deux semaines le Rocher était plein à craquer, et un mois avant même, pour Marcus Miller. Il l’était aussi pour Billy Cobham. Où sont ces gens ? Aiment-ils le jazz ou le star système ? Savent-ils que les musiciens de ce soir jouent de temps en temps avec les plus grands ou plus célèbres, savent-ils qu’ils ont sous la main des talents remarquables ? Savent-ils qu’ils se privent de grands moments ? Quel dommage.

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On repart pour le second set avec « I have a dream » d’Herbie Hancock. La soirée est aussi un hommage à Martin Luther King, à Malcom X, à Rosa Parks qui on fait avancer la société US ; et il reste du travail comme l’actualité nous le montre… Une expo photos dans le hall leur rend hommage. Toujours dans cet esprit une merveilleuse adaptation du « What’s going on » de Marvin Gaye et pour finir le magnifique « Theme for Malcom » de Donald Byrd ; un vrai bouquet final ! Les musiciens prennent du plaisir ça se voit, ça rayonne sur le public.

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C’est fini ! Même pas ! Une jam se met en place, Stéphane Seva, Lo Jay, une élève de Shekinah viennent chanter, Colin Smith flûtiste est là aussi ainsi que Jonathan Hedeline un élève d’Olivier Gatto à la contrebasse. On est bien.

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Merci M’sieurs dames c’était super, on reviendra. Quand … ?

Une heure du mat j’ai des frissons… de bonheur, je me sens rajeuni ; ça ne vas pas durer longtemps, je croise des hordes de jeunes essayant d’entrer dans les boîtes de nuit voisines, des bouteilles d’eau minérale remplies de boissons brutales à la main pour certains, des yeux déjà trop rouges pour d’autres, j’ai trois fois leur âge. Je ne les envie pourtant pas, ils ne vont certainement pas passer un aussi bon moment que moi ce soir. Ça viendra, je l’espère pour eux.

 

50 nuances de Blues

Par Philippe Desmond, photo Alain Pelletier

Lil’Ed & the Blues Imperials au Comptoir du jazz

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Du blues ce soir, ça change un peu du jazz, ou pas… D’ailleurs l’organisation est celle de Jazz and Blues.

Le Comptoir du jazz est noir de monde, plutôt gris de monde car la moyenne d’âge est élevée même pour moi et mes bientôt 60 bougies… pas rassurant pour l’avenir, ça met un peu le blues…

On vient écouter et voir Li’l Ed and the Blues Imperials., le petit Edward Williams (1,60 m) et son orchestre. Du pur blues de Chicago dont le leader traine sur les scènes du monde entier depuis quarante ans. Il en aura soixante à la fin du mois.

Le petit bonhomme arrive avec sa guitare bien sûr, son haut tarbouche rouge pailleté – sa signature – une chemise rose, un gilet lui aussi pailleté mais multicolore lui couvrant son petit ventre rond. A ses côtés un guitariste grisonnant lui aussi tout de noir vêtu, ressemblant plus au père de la mariée qu’à un bluesman, un bassiste apparemment différent du titulaire du poste (blanc au lieu de noir) et un batteur certainement chevronné lui aussi vu son âge. Ce n’est pas Mamy blues mais plutôt Papys blues. Mais pour plagier Brassens, un peu notre bluesman français avec sa pompe à la guitare, le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est bon on est bon !

Du blues, du blues boogie, du blues rock tout va y passer, en trois accords on a compris qu’on a du lourd devant nous. Lil’Ed est une sacré super slide guitariste toujours le bottle neck à l’auriculaire ce qui lui donne un son typique et il est d’une exubérance redoutable ; un vrai clown ! Roulement des yeux, toutes dents dehors, le sourire ou le rire toujours présent, sans parler des attitudes ou des pas de danse. Il est génial ! Une corde casse, peu importe, il enchaîne un solo impressionnant et même un autre morceau avant d’aller la changer.

Il chante remarquablement bien en plus, d’une voix puissante mais claire. Quel artiste, à voir absolument en live, l’écoute sur CD y perd certainement tout le côté spectaculaire du show.  Il est secondé par Mike Garrett – le père de la mariée – impassible et au jeu précis qui au fil du set va prendre de l’importance. Un musicien magnifique. Derrière la rythmique assure sans fioritures mais solide au possible. Le son global est nickel.

Le public est aux anges, Lil’Ed sait l’utiliser mais sans exagérer malgré ses cabotinages dès qu’un photographe le cale dans son objectif. Sa compagne est au premier rang à côté de nous et il lui roule les yeux sans arrêt « I love pastry, I love coffee and sugar but I love my baby and my baby loves me ».

Si c’est ça le blues je veux bien l’avoir tous les soirs.