Chroniques Marciennes # 1

Par Annie Robert
Marciac 30 Juillet

Soleil et grisaille.
L’arrivée sur Marciac est toujours un moment délicieux: les grands maïs qui se plient en cadence (déjà) sous un petit vent, les bosquets touffus, les vignes bleues de St Mont qui partent à l’assaut des collines rondes, la fraîcheur du lac et celles des arcades, le soleil qui éclabousse sous les velums de la place centrale et les festivaliers débonnaires, les pieds dans des sandales ouvertes, un verre à la main, le sourire aux lèvres et l’éventail frétillant. La musique partout en flots joyeux et continus et les banderoles dansantes et colorées « Jazz In Marciac » nous ouvrent comme une fleur.
Qu’on découvre le festival ou qu’on y revienne comme pour un rendez-vous amoureux, le sentiment est le même. La foule est dense mais amicale, les repères vite trouvés avec la sensation de partager avec tous des instants agréables, parfois précieux et uniques, avec comme trait d’union une musique à faire vibrer les pierres.
Des bribes de vacances, des réminiscences de bien être, des moments de bonheur présent et à venir, une respiration d’été délicate, sans soucis, sans contraintes. Une fête totale et généreuse, un baume pour âmes fatiguées.
Et pourtant…
Cette année, la fureur du monde s’est faufilée jusque dans la petite ville du Gers. Des militaires en armes, mitraillettes au côté arpentent par quatre, les rues qui alimentent la bastide. Les fouilles à l’entrée des sites de concert et les plots en ciment qui limitent la circulation sur le chemin de ronde sont censés assurer la protection des amateurs de jazz et des badauds.
Depuis des années, une simple brigade de gendarmerie suffisait largement et sans heurts à réguler des milliers de festivaliers, à relever en fin de nuit quelques consommateurs excessifs, ou à régler des différents automobiles. C’était simple et facile. Cela ne demandait pas de préparation, pas de plan épervier, pas de tensions, pas d’angoisse. Personne ne demandait à être protégé sans doute parce que qu’on savait qu’il n’y avait pas de danger.
Mais voilà. Le danger ou le fantasme du danger est à l’œuvre. Les images, les douleurs portées par les informations sont présentes diffusément dans la tête de tous. L’imprévisible, l’incompréhensible s’installe, et pas seulement ailleurs.
Il n’y a pas moins de monde en terrasse, pas moins de force dans la musique, pas moins de plaisir, c’est juste un voile de gris. On apprend à faire avec…
Marciac jusqu’à présent était une parenthèse enchantée, une bulle où justement tous les métissages, les étonnements, les enrichissements, les palabres  étaient possibles. Cela le reste par la tolérance de la culture, son foisonnement , sa puissance d’intelligence massive, mais il y a au dessus de nous un petit nuage grisouilleux qui revient avec la régularité des patrouilles..
Pas de soucis. On l’oublie vite dès qu’un bon groove se manifeste, dés qu’on croise un copain, dès qu’on discute avec son voisin du concert tout frais pondu. Le nuage s’effiloche illico. On n’a pas la décision consciente de  résister à quoi que ce soit. On le fait sans le vouloir. On fait juste ce que l’on aime parce qu’on ne sait pas faire autre chose.
Mais cette année le kaki est invité à la fête par la force des choses.
Étrange période où l’échange se fait sous l’égide des fusils.

Jazz à la Tour – Lesparre

par Philippe Desmond

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Gros week-end de jazz, trop gros même ! Pensez donc quatre festivals dans le coin : Saint Emilion, Andernos (prochaine Gazette Bleue) , Sanguinet et donc Lesparre, la 21ème édition de ce sympathique festival médocain. Les soldats d’Action Jazz se déploient donc en petits commandos, le mien se réduisant à moi-même et donc sans un de nos magnifiques photographes…

Au pied de la Tour de l’Honneur, vestige d’un château du XIV siècle, le festival a pris ses quartiers. Le cadre, l’ambiance champêtre et les bonnes odeurs de grillades rendent instantanément l’endroit sympathique. On est ici en famille aussi bien dans l’organisation que dans le public. Richard Messyasz est le seigneur du château, plus précisément l’organisateur du festival et m’accueille avec gentillesse ; un passionné, un de plus !

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Au programme ce vendredi soir le Hot Swing Sextet avec Jérôme Gatius (cl), Thibaud Bonté (tr), Erwann Muller (g), Ludovic Langlade (g), Franck Richard (cb), Alain Barrabès (p) et Benoît Aupretre (b). Et oui un sextet de sept musiciens ! Belle époque du swing, cette musique qui fait danser ; mais pas ici, car ici on mange ! Le public est en effet attablé, une cuisine de campagne dans une aile du chapiteau alimentant tout ce monde, une cinquantaine de spectateurs – au régime ? – occupant eux une autre aile du chapiteau.

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On passe du stride au swing, Jérôme et Thibaud enflamment la scène et heureusement le public mais on reste à table. Toujours un bonheur de voir ce groupe dont les prestations sont enthousiasmantes, aussi bien pour les amateurs du genre que pour les novices ; ce swing accroche l’oreille et la qualité des musiciens n’est plus à démontrer. Beau succès.

Le Jazz Chamber Orchestra est là pour les animations et les transitions, l’occasion pour Alain Barrabès de quitter le piano pour son sax et surtout de faire le clown ; son imitation de Baloo se frottant le dos sur un arbre provoque les hurlements du public (qui a apparemment fini de manger) tout cela bien sûr avec une musique de qualité, ici donc le « il en faut peu pour être heureux ». En effet pour se permettre faire les clowns avec de la musique il faut être d’excellents musiciens et c’est le cas.

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L’autre groupe sur scène de la soirée est l’Afro Borikén J*** Septet, une formation construite par et autour d’Olivier Gatto. Bien sûr Shekinah Rodz est là pour nous faire profiter de sa voix et de son talent aux sax, à la flûte et aux congas ; elle est estupenda!

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Le fidèle et excellent Mickaël Chevalier est à la trompette. En plus de ces musiciens bien connus chez nous le public a la chance d’avoir une brochette internationale de grande qualité : au piano le grec Dimitris Sevdalis qui s’avère un maître de la salsa (salsa oui, mais loin du tzatziki), le suédois installé à NYC Michaël Rorby impressionnant au trombone, le batteur américain Justin Varnes, qui in extremis a trouvé une batterie et enfin la guitariste israélienne au look presque inquiétant mais aux doigts magiques Inbar Fridman, qui in extremis a trouvé un ampli.

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Des émotions donc pour le leader Olivier Gatto toujours aussi indispensable à la contrebasse. Il me confie avant le concert que le répertoire est adapté à la soirée, c’est à dire une découverte de plusieurs styles de jazz pour un public non spécialiste mais à séduire. L’objectif sera atteint, dans le mille !

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Départ latino sur un rythme déjà très élevé ce qui tombe bien car le public est un peu bruyant. Du swing notamment en trio piano, contrebasse batterie sur un tempo d’enfer, une ballade chantée par Shekinah qui enchaîne sur une salsa pimentée de Puerto Rico en faisant chanter le public, reprise à fond pour présenter les musiciens. Olivier aura eu le temps de rendre hommage à Richard Messyasz qui voilà plus de trente ans alors officier l’a enrôlé dans l’orchestre de jazz de l’armée de l’air lui le conscrit débutant à la contrebasse, lançant ainsi sa vocation. Une famille ce festival je vous dis.

Pause avec le JCO et son énergique bonne humeur musicale et retour au septet et le magnifique « Little Sunflower » de Freddie Hubbard introduit par Olivier Gatto sous les « chut » de ceux de devant envers ceux du fond et une régalade de flûte de Shekinah. Chacun va y aller de son chorus pour une concentration de talents incroyable ; les mêmes seront le lendemain soir autour de Sébastien Arruti au festival de St Emilion sur un autre répertoire pour un autre concert éblouissant.

Car oui ce soir le concert est magnifique. « God bless the child », puis « What a Wonderful World » la voix de Louis Armstrong étant rajoutée par dessus les instruments ; et bien non, piégés que nous sommes, la voix c’est celle de Richard Messyasz qui arrive tranquillement de derrière la scène ! Un tabac bien sûr !

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Des soirées comme ça j’adore, c’est détendu, les gens sont ravis, ne font pas la fine bouche loin de ce foutu cliché du jazz réservé à une -pseudo- élite.

Le samedi dans la même ambiance de kermesse se produisait The Swinging Duo » et l’Aquitaine Big Band, mais un festival dans un autre pays de vin m’appelait…

Surgères Brass festival : 1ère édition et pari réussi !

Par Pauline Fournat, Photos : Mathias Nicolas

Surgères Brass Festival, day 1

Surgères Brass Festival, day 1

Une belle première journée où le soleil a finalement pointé le bout de ses rayons et le concert d’Aeolus Brass Band a pu sonner l’ouverture du Surgères Brass Festival à 19h devant un parterre comble, chacun se cherchant un bout de muraille ou de pelouse pour pouvoir profiter pleinement du spectacle. Les reprises de musiques de films entraînantes interprétées par les 30 musiciens réchauffent une atmosphère rafraîchie par la pluie en début d’après-midi. Chaque visage est tourné vers la scène des Remparts lovée sous les arbres du parc du château de Surgères. Alors que le show s’achève sur une reprise du thème de James Bond, une file d’attente se forme déjà devant l’entrée de la scène du Parc où Michel Leeb donnera sa représentation.

Michel Leeb

Michel Leeb

Et c’est une salle bondée qui l’attend ! Après un discours d’ouverture de Catherine Desprez, Madame le Maire de Surgères, de Clément Saunier le programmateur de cette première édition et de Fraçois Nowak, président de la SPEDIDAM, Michel Leeb accompagné des Brass Messengers enchaîne les tubes de Ray Charles, Franck Sinatra, ou encore Nino Ferrer, les classiques qui ont bercé sa jeunesse. Malgré ses 70 ans (dont 40 ans de carrière !) Michel Leeb déborde d’énergie, saute, court, chante, joue du piano et lance des piques à un public hyper réceptif ! Entre rires et applaudissements, pas moins de 3 standing ovations tout au long du show, et Michel Leeb de conclure : «Si vous êtes aussi déchaînés pour une première édition, je n’imagine pas celles qui vont suivre !»

Alors … à suivre !

Grain de sable au Caillou, grain de folie chez Alriq

par Philippe Desmond

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C’est l’été, enfin pas tous les soirs, et les gens sortent, beaucoup, beaucoup plus qu’avant. L’offre est il est vrai plus importante, riche et variée. Le jazz, qui nous tient à cœur, n’échappe pas à la règle, Cet avant dernier week-end de juillet il y a même embouteillage de festivals : Saint-Emilion, Andernos, Lesparre en Gironde et Sanguinet tout près dans les Landes. Il faudra d’ailleurs un jour réunir tous ces organisateurs passionnés qui se marchent un peu sur les pieds.

A Bordeaux dès le mercredi et quelquefois avant, ça s’agite sous les lampions ou sur les terrasses. Sur les terrasses ? Pas si simple.

Grain de sable au Caillou.

Surprise hier soir en arrivant au Caillou du Jardin Botanique, la terrasse est occupée par les convives du restaurant, on entend jouer les musiciens mais on ne les voit pas sur la remorque scène habituelle. Ils jouent à l’intérieur devant un nombreux public un peu entassé. Si vous suivez un peu ce blog vous vous souvenez que déjà l’an dernier le Caillou avait dû interrompre les concerts en terrasse à 22 heures pile suite à la plainte d’un riverain pourtant pas tout près, gêné par le bruit. Patrouille de police municipale dès 21h59 pour veiller au respect de la loi, concerts qui se finissent dans la frustration générale alors que la nuit commence à peine, drôle d’ambiance. Non loin de là ça continue à guincher chez Alriq, ça bastonne des watts à Darwin et ça déménage des décibels au parc des Angéliques avec les concerts d’ « Allez les Filles ».

La saison d’été 2016 démarre, les concerts retrouvent leur rythme de croisière dans de douces nuits bastidiennes, tout va bien. Mais pour le Caillou, à la suite d’une autre procédure lancée par ce riverain, la Mairie n’autorise plus l’organisation des concerts en extérieur, pour le reste de l’été, les musiciens joueront dedans.

Un grain de sable qui bloque un Caillou. Pendant ce temps les flonflons, les watts, les décibels à portée d’oreilles de notre plaignant, continuent alors que finalement l’endroit le plus paisible, le plus soft en est lui privé. On marche sur la tête. Il faut sauver le Caillou, le soutenir pendant cette période difficile, Benoît Lamarque et son équipe font un énorme effort d’animation et de promotion de la musique de qualité, locale ou nationale, allez-y, continuez à y aller, cet acharnement n’est, espérons le, qu’un mauvais passage.

Hier soir donc le quartet composé du guitariste anglais Denny Ilett, du guitariste australo-bordelais Dave Blenkhorn, de l’organiste Hervé Saint-Guirons et du batteur Roger Biwandu étrennaient cette configuration insolite, musiciens dedans et une partie du public dehors ! Concert plein de gaîté émaillé par le grand rire de Roger sur de rares pains ou sur des trouvailles piégeuses des autres. Georges Benson, Ray Charles, les Beatles avec une belle version de « Come Together » et un festival de guitare, blues et roots pour Denny plus jazz et aérienne pour Dave. Toujours ce super son d’orgue d’Hervé et sa Leslie et l’omniprésence enthousiasmante de Roger, pourtant monté léger avec une caisse claire, une grosse caisse, une cymbale et un charley. Denny Ilett, Roger Biwandu, Hervé Saint-Guirons seront en quartet avec Laurent Vanhée (cb) au festival de Saint Emilion à 21h30 ce samedi au parc Guadet (gratuit).

Grain de folie chez Alriq

Dans toute épreuve il faut trouver des points positifs ; le concert finissant assez tôt au Caillou cela permet d’enchaîner vers la Guinguette Alriq dont la convention municipale est inattaquable ; ou pas.

Comme d’habitude l’endroit est pris d’assaut et ce soir c’est Stéphane Seva qui en profite. Avec un octet (on ne se refuse rien) et sur un répertoire de Sinatra élargi à Ray Charles, Duke, Stéphane va installer une ambiance de folie. Il est entouré de Ludovic de Preissac au piano , Didier Ottaviani à la batterie, Christophe Jodet à la contrebasse, Pascal Drapeau à la trompette, Cyril Dubayl Dubiléau trombone, Cyril Dumeaux au sax baryton et ténor, Michael Cheret au sax alto et à la flûte

La piste de danse est bondée alors ça danse partout ailleurs, dans les allées, dans le restaurant ! Beaucoup de swing, un style qui est très en vogue à Bordeaux en ce moment grâce à de nombreuses associations. Quel contraste avec l’aspect semi-clandestin du Caillou, bizarrerie administrative oblige ! En vrai meneur de revue Stéphane Séva va animer cette soirée, soutenu par un presque big band pour le plus grand bonheur des danseurs. Le final dans lequel Stéphane prend son washboard est époustouflant sur le « I dont mean a thing » et ses doo wap doo wap doo wap, les dés à coudre finissant rouges comme de l’acier en fusion après un duel avec la batterie très jungle de Didier Ottaviani, quelle énergie !

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Il est minuit, tout le monde à passé une superbe soirée d’été terminée à une heure raisonnable, les poules et les vilains petits canards dorment eux depuis longtemps ; ou pas. On a tous besoin de ces moments de joie et de fête surtout en ce moment, alors pourvu que ça dure !

St Martial de Mirambeau memories

Festival des Notes Bleues, St Martial de Mirambeau : une 10ème édition qui restera dans les mémoires.

Vendredi 15 juillet à 19H, le groupe “MINGOS” s’est produit sur la place du village avec un mélange contemporain d’instruments traditionnels et d’électronique pour un voyage dans le temps et dans le monde. Un quartet de musiciens virtuoses pour accompagner le public installé devant les plateaux-repas préparés par les bénévoles.

à 21H, dans la salle, c’était Antoine HERVIER, un pianiste impressionnant par le style et la maîtrise de son instrument, accompagné d’un bassiste et d’un batteur qui produisent une musique pleine de sensibilité, émouvante, tonique et surprenante. Ils avaient invité Gilda SOLVE qui a envouté le public par sa technique vocale, sa grande présence scénique et son contact chaleureux. Un concert qui laisse des traces…

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Antoine Hervier Trio & Gilda Solve

Samedi 16, quelques 900 personnes se sont retrouvées sur la place du village sous le soleil. Les 3 formations se sont succédées dans des styles très différents.

“TALDEA” a proposé une musique aux influences du monde, blues, rock, folklore. Un mélange magique multiculturel pour débuter la soirée.

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Taldea

Puis “PAPA JIVE” nous a ramené dans les années 40 pour un jazz “swing” qui donnait l’envie de danser.

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Papa Jive

Et pour terminer, ce fut “NICO WAYNE TOUSSAINT”  avec sa voix, son harmonica, son sourire, son charisme qui sont les atouts majeurs de ce génie du Blues. Le public ne s’y est pas trompé et les danseurs étaient nombreux en osmose avec le groupe de musiciens.

Nico Wayne Toussaint

Nico Wayne Toussaint

Entre chaque formation, “LES ZEVADES DE LA ZIC”,  fil rouge du festival, ont déambulé au milieu de la foule avec un répertoire rythmé, dansant, langoureux et toujours festif.

Des partenaires fidèles, des bénévoles dévoués, le soleil et d’excellents musiciens sont les ingrédients  de la réussite de la 10ème édition du “Festival des notes Bleues”

Erik Truffaz 13 juillet 2016, parc Palmer

Par Ivan Denis Cormier, photos Alain Pelletier

Eric Truffaz

Erik Truffaz

Quel bonheur d’avoir vu et entendu ces trois formations hier au soir au parc Palmer de Cenon, dans le cadre du festival Sons d’été ! Le public était au rendez-vous (le parc s’est progressivement empli de 2500 spectateurs) et les amateurs ne s’y sont pas trompés : il y avait là du vrai, du beau, du bien, « du lourd », comme on dit familièrement.

A 19h30 un premier groupe avait la lourde tâche de chauffer non pas la salle, puisque les concerts avaient lieu en plein air, mais un périmètre assez vaste encore clairsemé, les premiers arrivés étant plus soucieux de trouver de quoi se nourrir et se désaltérer que d’écouter une première partie de concert pourtant des plus intéressantes. Dans ce vaste amphithéâtre de verdure où les plus prévoyants avaient déjà déplié tapis de sol ou fauteuil de plage à bonne distance de la scène, il fallait capter l’attention des auditeurs et les amener à se rapprocher des musiciens, réussir à les mettre en condition, ou plutôt dans des conditions physiques et psychiques d’écoute. The Angelcy, dont la musique totalement inclassable a des accents indie-rock et folk, est pourtant parvenu à focaliser une partie du public, ce qui n’est déjà pas si mal !

Quant à enrôler l’auditoire, le faire chanter à l’unisson ou battre des mains en rythme, c’est bien sûr une autre paire de manches. Le chanteur du groupe, qui pratique également le ukulélé (bien qu’il l’eût oublié à l’hôtel ce soir-là), animait bien la scène et nous offrait des compositions savamment orchestrées aux couleurs extrêmement variées, grâce à une instrumentation atypique et à des emprunts à différentes musiques du monde très typées, du celtique au raga et au reggae, de l’africain au latin, en passant par de petites allusions au kletzmer et au New Orleans. Le son produit par cet ensemble au goût inhabituel était fort agréable –imaginez un repas gastronomique dans le restaurant d’un chef étoilé qui explore la nouvelle cuisine. Un menu surprenant, au final une expérience unique.

Vient la deuxième partie de ce concert que j’attendais avec une certaine excitation. J’avais quelque peu délaissé les albums d’Erik Truffaz achetés jadis et dont je gardais un souvenir  mitigé, de riffs entêtants répétés à l’envi en toile de fond. Depuis, Erik a poursuivi avec constance un parcours exigeant et présente aujourd’hui une musique à mon sens plus riche et plus aboutie. La pureté et la sobriété du jeu favorise la concentration et l’on se plait à pouvoir écouter le tapis sonore proposé par le clavier et la rythmique (inutile de préciser qu’on a affaire à des musiciens de haut vol). Limpides, les mélodies sont belles, apaisées mais intenses, et les improvisations ont une logique interne, une rigueur et une cohérence avec le projet du leader. Un certain Miles avait su gagner l’estime de ses pairs et du grand public en mêlant fermeté et fragilité, torture intérieure et sérénité, et en se nourrissant de l’échange avec ses coéquipiers à qui il donnait la liberté d’exprimer leur individualité. Ici j’éprouve un plaisir tout à fait semblable en écoutant les musiciens tisser la trame et donner le meilleur d’eux-mêmes tout en respectant scrupuleusement l’esprit du morceau. Dans ce projet la répétition n’est pas fuie comme la peste mais bien dosée, l’infime variation de timbre ou les renversements d’accords au clavier rompent le cours d’une phrase trop linéaire, et lorsque la rythmique prend de l’ampleur et devient une espèce de lame de fond, sur laquelle vogue le trompettiste, comme un frêle esquif, je me laisse moi aussi emporter par le mouvement, sachant qu’une déferlante nous ramène toujours sur terre.

Arthur Hnatek

Arthur Hnatek

Benoît Corboz

Benoît Corboz

Mention spéciale pour Arthur Hnatek, jeune batteur connu pour avoir accompagné notamment l’excellent Tigran Hamasyan. Il est redoutable de finesse et donc de musicalité, d’énergie, de précision et d’efficacité, manie les rythmes composés avec une aisance déconcertante. Benoît Corboz, aux claviers, membre attitré du groupe depuis 2010, est un artisan du son et un artiste accompli, il crée des climats et possède un groove magnifique — pas de bavardage, pas d’esbroufe, rien qui ne soit maîtrisé ; les finitions sont impeccables. Il suffit d’un trait pour esquisser un motif rythmique, nul besoin de s’appesantir.  Et pour finir le bassiste, Marcello Giuliani, d’une solidité à toute épreuve, soude l’ensemble et conquiert le public en imprimant une pulsation aussi jouissive que communicative. Bon éclairage, bonne sonorisation, lieu propice au partage et à la détente, que dire de plus ?

Marcello Giuliani

Marcello Giuliani

Ce quartet fixe d’emblée l’attention du public et l’amène à taper du pied, des mains, à hocher la tête, à échanger des sourires entendus, c’est dans le groove que l’on trouve la plénitude. Cette sensation lancinante qui passe par une pulsation parfois funky, majoritairement binaire, tandis que la mélodie et l’orchestration créent des volumes sonores, se prolonge après le concert. Voilà ce que je trouve amélioré, l’expression, les mélodies, la qualité globale et les qualités individuelles de ce groupe –bref, souhaitons au 4tet un succès amplement mérité !

NB : chronique du troisième groupe de la soirée, Ibrahim Maalouf :

Certains l’aiment show : Ibrahim Maalouf à Palmer

 

Certains l’aiment show : Ibrahim Maalouf à Palmer

par Philippe Desmond, photos Alain Pelletier.

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On peut reprocher bien des choses à Ibrahim Maalouf et certains ne s’en privent pas, il m’est arrivé de voir passer sur les réseaux sociaux des discussions où des trompettistes de renom l’assassinaient de façon éhontée. On peut lui reprocher d’être parfois plus proche de David Guetta que de Chet Baker, du « Petit Bonhomme en Mousse » que de « My Funny Valentine » ; oui je sais j’exagère un peu car certains aussi exagèrent à son sujet. On peut lui reprocher son volume sonore, son light show(bizz), ses bavardages – sympas – avec le public, plein d’autres choses mais on ne peut lui reprocher sa générosité, sa fougue, son entrain, son sens du partage et du spectacle et sa musicalité si particulière. On ne peut lui reprocher son immense talent de musicien.

Une anecdote pour commencer, en mars dernier lors de son passage au Rocher (chronique du 25/03/16), les animateurs d’une radio lycéenne bordelaise « Eiffel on air » avaient sollicité une interview pendant les balances de l’après-midi. Ibrahim les as reçus et apprenant que l’un d’entre eux jouait de la trompette depuis tout petit l’a testé et illico lui a proposé de venir jouer avec lui le soir devant 1200 personnes ; le jeune n’est toujours pas descendu de son nuage après sa prestation à côté de la star, celle-ci le laissant même jouer seul, accompagné par le groupe !

Patrick Duval co-organisateur de la soirée me confiait récemment qu’il adorait l’homme Maalouf pour ses qualités humaines, témoignage corroboré par Alain et Irène Piarou qui s’étaient occupés de lui, alors peu connu, lors d’un concert à la Base Sous-Marine il y a dix ans.

Alors les grincheux, les pisse froids, les culs pincés passez votre chemin et laissez nous sur l’impression magnifique et festive que nous a laissée le spectacle d’hier (on reste amis quand même).

Dans l’amphithéâtre de verdure du parc Palmer de Cenon,  balayé par un air humide et trop frais, après un concert de toute beauté plein de classe et d’élégance, donné par le Erik Truffaz quartet (voir chronique du 05/02/16 et d’Ivan Cormier https://blogactionjazz.wordpress.com/2016/07/17/erik-truffaz-13-juillet-2016-parc-palmer/) , le show Maalouf a été époustouflant. Il s’agit bien d’un show, pas seulement d’un concert, le parti pris est clair, plein les oreilles et plein les yeux.

En préambule et en reconnaissance envers le seul trompettiste qui l’ait encouragé au tout début, il invite Erik Truffaz pour un duo magnifique de délicatesse et de complicité. Forte accolade finale. On en rêvait.

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Ibrahim Maalouf est entouré de ses musiciens actuels dont le grand pianiste Eric Legnini – la dernière fois que je l’ai vu, l’été dernier à Saint Emilion, il jouait en solo au concert dégustation dans une ambiance autrement plus feutrée que ce soir, quoiqu’au huitième grand cru classé… chronique du 20/07/15 – François Delporte à la guitare et Stéphane Galland à la batterie. Un autre pianiste, un bassiste et trois « choristes » en l’occurrence trois trompettistes !

Le début du concert se fait d’ailleurs sans eux Ibrahim Maalouf faisant monter la pression de suite au synthé ; c’est curieux chez les trompettistes ce besoin de faire du synthé, vous vous souvenez…

On comprend de suite que la sobriété lumineuse du précédent concert d’Erik Truffaz va céder la place à un light show ébouriffant ; l’envoi de fumée juste avant le concert – cette fumée qui habille les faisceaux des spots et lasers mais gêne tant les photographes – le laissait présager. On part sur le dernier album « Red & Black Light » et arrivent les premiers sons de trompette, avec « Essentielles », identifiables à cent lieues. On peut lui reprocher mille choses à Ibrahim mais avouez qu’il a une patte, qu’il a inventé une signature. « Nomade Slang » avec l’écho des trois trompettes derrière sur une rythmique de malade, une merveille.

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L’espace de verdure va alors être inondé de lumière et de musique, la sono étant il faut le dire remarquable. Non sans douleur car le concert a eu du retard à l’allumage. Nous étions à côté de la régie et il y a eu un peu d’affolement, les ingés son ayant perdu plusieurs canaux d’instruments au moment de démarrer…

Mon dieu que ça claque, plein les oreilles, plein les yeux, j’insiste. Les musiciens prennent un réel plaisir, Eric Legnini le premier qui ne quittera pas son sourire/rire de la soirée ; il s’éclate visiblement.

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Puis Ibrahim Maalouf se transforme en animateur faisant danser le public sur une chorégraphie collective – j’en entend qui râlent – puis le faisant chanter – au fond là-bas on arrête de critiquer – arrivant ainsi à réchauffer ce soir de Toussaint. Même la pluie qui tente deux minutes de saborder le concert n’insiste pas. Rappelez moi, la soirée s’appelait bien « Sons d’été » ?

Tiens du reggae ! La scène s’habille de rouge et vert comme le drapeau jamaïcain – non Irène, pas portugais – et ça finit à trois mille à l’heure en fiesta sébastienesque ; ho hé au fond on se calme, si ça vous plaît pas vous sortez !

Et l’émotion dans tout ça elle est où vont me dire certains ? L’émotion elle est partout dans la fulgurance, dans la puissance du son, dans les passages délicats – si si il y en a plein – dans le bonheur des musiciens, dans le bonheur du public, dans l’humour et la gentillesse de Maalouf.

Ceux qui voulaient passer une soirée sans tambour ni trompette c’est perdu, voilà maintenant quatre tambours installés sur scène avec lesquels le quartet de base va nous régaler, Eric Legnini toujours aux anges.

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« True sorry », le tube, se profile, avec ce début émouvant et cette montée fiévreuse jusqu’au climax, le spectacle est total, c’est magique. Ben là il y en a drôlement de l’émotion !

C’est fini, salut. Hop hop hop messieurs vous ne vous en tirerez pas comme ça, c’est reparti pour près d’une demi heure de rappel avec même de la cornemuse, du hard rock ou presque ; il nous aura tout fait ! « Ya Ha La » – bienvenue en Arabe – pour finir, drôle de façon de nous quitter qui appelle une prochaine fois !

Voilà « quart de ton » a fait un carton (désolé), certains l’aiment show ! Respect.

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Plus près que « là-bas », Monségur et son festival.

par Philippe Desmond, photos Thierry Dubuc.

Aller à Monségur aux « 24 heures du swing » c’est un peu comme une préparation à un autre festival plus couru, vous savez là-bas, au mois d’août dans ce coin un peu perdu du Gers… Le parallèle est assez frappant, déjà pour arriver jusqu’ici au fin fond de l’Entre deux Mers, comme pour là-bas ça se mérite. La ville de Monségur est elle aussi une bastide avec ses traditionnelles galeries à arcades – chez moi à Créon on parle d’arceaux » – et ici aussi la place est animée par des bars, des restaurants, des boutiques, des stands de tout et de rien, d’artisans et de marchands avec un fond musical perpétuel de circonstance. Mais si on veut clore la comparaison, j’y trouve un avantage ici dans la mesure où l’on est encore à une échelle plus artisanale que là-bas. Mais avec une sacré belle organisation, ne vous méprenez pas sur mes propos.

A mon arrivée j’ai juste le temps d’assister à la dernière partie du concert de Laure Sanchez Trio sur la jolie petite scène installée rue Barbe, comme ça en plein milieu. Le trio, prix de la Note Bleue au dernier tremplin Action Jazz est désormais bien rodé et offre un répertoire de compositions originales plein de fraîcheur de musicalité et de groove. Pour ce dernier Laure n’hésite pas à utiliser sa basse électrique tout en chantant.

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Robin Magord est vraiment épatant au piano, quant à Nicolas Girardi il invente sans cesse à la batterie celle-ci avec sa toute petite grosse caisse paraissant sortie d’un magasin de jouet. Invité surprise, un chien, celui du voisin, fait un moment les chœurs !

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Il reste moins d’une heure avant le concert sous la halle, le temps d’aller se régaler au stand du boucher local dont le pavé de bœuf va s’avérer à tomber ; un petit vin des voisins de Duras et nous voilà prêts pour affronter la soirée ; elle va être longue, deux heures du matin pour la fin du dernier concert !

La halle se remplit doucement, la fouille est bon enfant. Quelle beauté cette construction de fonte et de verre du XIX siècle ! Pour l’acoustique par contre…

Ce soir, que des Anglais au programme, comme quoi ils ne sont pas tous prêts à se replier frileusement sur leur île. La chanteuse Malia pour commencer, accompagnée d’un trio piano, basse, batterie. J’attendais une brune, c’est une blonde qui arrive vêtue de blanc et noir un chapeau melon sur la tête, référence à John Steed ou à Malcolm McDowell dans Orange Mécanique ? Vous ne verrez pas de photo, les instructions de la diva étant claires, les photographes accrédités peuvent agir sur le seul premier titre et pas de gros plan ! Et le service d’ordre est vigilant. Thierry n’aura pas eu le temps de mitrailler et après tout si elle ne veut pas qu’on fasse sa promo, ça la regarde. D’autant que le concert ne va pas nous marquer, elle chante très bien et dans plusieurs tessitures, les musiciens jouent bien mais, est-ce le son difficile ici, le répertoire un peu plan-plan, nous n’avons pas accroché. Les « Fipettes » de Bordeaux qui étaient à nos côtés ont, elles, adoré !

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Un petit tour sur la place avant que la deuxième partie ne démarre, la soirée est douce, c’est vraiment l’été. Place à Incognito, présenté comme du soul-jazz-funk ; exact.  Neuf musiciens, trois chanteuses, un gros son. Le leader Jean Paul Maunick, Mauricien d’origine, va animer le concert, présentant les titres avec ses commentaires humanistes et en français.

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A tour de rôle les trois chanteuses occupent le devant de la scène dans des registres allant d’Aretha Franklin à Randy Crawford des Crusaders avec parfois un light show à la Soul Train. Mais à mon avis c’est en instrumental que le groupe donne toute sa puissance, la musique partant en liberté avec un groove d’enfer, la fin du concert étant ainsi énorme !

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Il est minuit bien tassé, direction la place des Tilleuls ; les stands de cuisine espagnole, marocaine sentent bien bon en passant, on se laisserait presque tenter.

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Latin Spirit joue déjà ; ils se définissent ainsi : « des harmonies salsa, des chorus jazz, des rythmes cubains » ; voilà vous savez tout. Ou presque. Au programme du Tito Puente, Poncho Sanchez ou Paquito Riviera et surtout de la joie ! Le public un peu timide au début ne va plus vouloir s’arrêter de danser !

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Avec un super son (enfin) dans ce lieu magnifique les musiciens vont nous régaler ; on en connaît bien certains à Action Jazz, notamment Franck Leymerégie (congas) et Benjamin Pellier (b) d’Akoda et même Valérie Chane-Tef (p) pigiste de luxe ce soir, associés à d’autres excellents musiciens bordelais.

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Mayomi Moreno mène la danse au chant ; Rodolphe Russo (fl, direction musicale) Bertrand Tessier (st) Rémy Béesau (tr) Renaud Galtier (tb) Frédéric Jarry (dr). Chaud bouillant ce concert et qui nous amène à deux heures du matin sans aucun effort, le genre de moment qu’on adore dans les festivals.

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L’air de rien il y a une heure de route pour rentrer à Bordeaux, bon mais c’est quand même plus près que là-bas… Dire que demain avec le programme swing qu’il y a je ne vais pas pouvoir revenir…

La Gazette Bleue N°17 vient de sortir ! Spécial Antoinette Trio & plus !

Bonjour à tous ! Voici la Gazette Bleue N° 17 Juillet 2016

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Elle ouvre l’été, avec la belle Julie Audouin d’Antoinette Trio. Une Gazette bleue comme la mer et pleine comme un sac de vacances, avec rubriques, chroniques et agenda.

Nous vous souhaitons beaucoup de bonnes musiques, un bel été et d’excellentes lectures !

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Natacha Atlas / James Carter Organ trio Monségur 08/07/16

Par Annie Robert, photos de Thierry Dubuc
La soirée des Hybridaswing         
Monségur. La bastide perchée. Dans des parfums de foin coupé, de douce soirée, de brise légère, et les reflets bleutés des vignes avant la pluie, les 24 heures du Swing entament leur première soirée. C’est un rendez-vous pris depuis longtemps chez les amateurs de jazz (27° édition !), une respiration de début de vacances que l’on a plaisir à retrouver. Regroupé autour de la halle et de la belle place à arcades du village, le festival va pendant trois jours accueillir son public fidèle et attentif.  Tout y est prêt.
Bien qu’il règne l’atmosphère décontractée et l’air de bienveillance qu’on lui connaît, il semble avoir replié un peu ses ailes. Adieu le village jazz et les animations du foyer. Le off est moins dense, la musique bouillonnante moins présente dans les rues. Dommage sans doute ( mais il y a des impératifs divers qui nous échappent à nous spectateurs et qui se rappellent vivement  aux organisateurs, on le sait bien.)
Sous la vieille halle en fer qui trône sur la place centrale, la soirée proposée semble belle en tout cas ; elle est placée sous le signe de l’hybridation, de la chaleur et des vertus toniques du croisement des influences, de la multiculture et du mélange.

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Natacha Atlas

C’est Natacha Atlas qui entame la soirée. La diva de la pop orientale, petit bout de femme gracieuse lance ses musiciens dans un tempo rapide, soutenu par un ostinato galopant avec Vasilis Sarikis aux drums un peu appuyés parfois et Andy Hamill à la basse.
La voix est chaude, puissante par instants, enfantine à d’autres moments, entrelacée de sanglots et de mélopées, soyeuse comme une liane. Lancinante ou charmeuse, elle s’appuie  sur le travail effectué avec Ibrahim Maalouf  qui lui a confectionné un album sur mesure, intitulé « Myriad Road » mélange de jazz et d’orient. Soutenue ce soir par la trompette claire de Byron Wallen, le violon virevoltant et flamboyant de Samy Bishai, elle passe sans difficulté, de la langue arabe, à l’anglais, de l’atmosphère joyeuse ou nostalgique des rues du Caire, aux morceaux jazz dans la tradition des clubs londoniens ( très délicat  « Something » ) ou à la musique du ballet d’Angelin Prejlocaj ( magnifique « Opium »). Cela donne une boule à facettes dont on recherche, indécis, la couleur, celle du sable ou de la fumée, de l’argile ou du charbon.

Une ballade en forme de berceuse, le piano remarquable, en touches impressionnistes ou en impros toniques et imaginatives d’Alcyona Mick se déploient tour à tour. Des chansons tournées vers la pop s’invitent également comme des bribes joyeuses de radio à travers les rues embouteillées d’une capitale arabe.
Il y a des moments de grâce et des moments de questionnements. L’émulsion ne fonctionne pas toujours, même si elle fonctionne souvent. C’est un hybride étonnant dont le terreau n’est peut-être pas encore assez profond pour donner sa pleine mesure et qu’il faudra voir évoluer.

Natacha Atlas band

Natacha Atlas band

 

Vingt minutes de pause et une petite bière plus tard, c’est au tour du James Carter Organ Trio de rentrer en lice. Changement d’atmosphère et changement de tonus. Mais hybridation également.

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James Carter

Une présence de géant débonnaire, un sourire malin, et une présentation des morceaux en français (merci bien) nous inclinent illico au partage. James Carter et ses multiples saxophones revisitent Django Reinhardt, le manouche céleste et sa modeste guitare. L’homme de Détroit va croiser les pas et les notes de celui de Samois.
Il va le mouliner, le passer au presse-purée de son énergie pour en faire un « Django Unchained »  de belle facture. Il démarre en fanfare par un chamboulement complet de « Nuages » qui passe de la douceur nostalgique à la furie funkieuse…Ne gardant que l’ossature des mélodies et des phrases, c’est une réappropriation tonitruante et réjouissante qui nous embarque dans un ouragan de notes, de mots, de frappés, de dansés, d’excès en tous genres. Tous les standards sont repensés, décortiqués et habillés de neuf.
De la cire dans les oreilles, de la brume sur les yeux, des cheveux à défriser, un vieux sparadrap à enlever, un brin de vague à l’âme ?  Pas de problèmes, James Carter est là et Gérard Gibbs à l’orgue, Alex White à la batterie ne sont pas en reste.

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Gerard Gibbs

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Alex White

Nous voilà nettoyés au Carter, dérouillés au groove, punchés  au swing, carterpillarisés à l’after-beat.  Les sax deviennent jouets, trompettes, percussions sonores, ça slappe, ça chuinte, ça vibrionne… une technique éblouissante, une maîtrise qui impressionne et qui en fait quelques fois un peu trop dans la sur-démonstration de son savoir faire. Petit péché d’orgueil ou grand désir d’amour ? Cela n’entache en tout cas pas le plaisir que l’on prend à l’écoute, surtout quand la folie s’apaise, que le sax soprano délicat se fraye un passage. Le discours mélodique se met alors encore plus clairement en place, l’orgue Hammond chante sa poétique, la batterie swingue avec le bonheur de la baguette libérée. C’est sincère et magnifique, simple comme une caresse.
Une valse musette, un bout de vie en rose et « une douce ambiance » de feu clôturent ce set iconoclaste et même si les yeux sont un peu fatigués par l’heure tardive, l’énergie incroyable que James Carter nous a donnée si généreusement nous accompagnera un bon moment.

La soirée des hybridaswing a été contrastée, parfois heureuse, parfois interrogative mais de toute façon satisfaisante par son existence même, par ce désir forcené d’aller vers les autres , d’établir des ponts et des échanges. Le pont peut être tremblant ou solide, en pierre ou en lianes fines, en balancelles ou en poutrelles, il est là et c’est l’essentiel.
Merci Monségur et bonnes passerelles à venir.