Par Annie Robert, photos Christian Coulais
Tingvall Trio : Voyage dans l’International Express !!!
Un pianiste suédois, Martin Tingvall , un contrebassiste cubain, Omar Rodriguez Calvo, un batteur allemand, Jürgen Spiegel, le tout basé à Hambourg. Ouh là … Qu’est ce que c’est donc que ce trio méli-mélo, ce mélange incongru, cet attelage pas très conforme, cette arlequinade colorée que nous propose le Rocher ? On dirait un catalogue d’agence de voyage. Ou bien un compromis culturel pour alter mondialistes répondraient les fâcheux qui envahissent le monde…
La soirée va nous montrer que ces trois musiciens sont bien au-delà d’un simple assemblage d’influences: leur musique est une invitation à la découverte, au périple, à l’émotion partagée, la preuve que l’on peut être divers et ensemble. Même pas peur !! Grimpons dans l’International Express, et écoutons défiler les paysages sonores et les climats, les éclats, les grondements, les surprises et les peurs. Les rails crissent, les mains s’agitent, on démarre en absorbant le petit jour. Des compositions profondes alternent avec des titres survoltés et d’autres plus sombres. Ils mêlent des morceaux de leur nouvel opus intitulé « Beat » avec d’autres plus anciens « Sévilla » « Crazy duck » ou « Mustach » mais leur style reste permanent : des mélodies ciselées, parfois lyriques, des progressions rythmiques démultipliées par la puissance de la batterie et la pulsation de la basse, du jeu en accord et une vraie place pour chaque musicien.
Tingvall Trio c’est le jazz des grands espaces et des chevauchées, loin de celui de la ville et des bars de nuit. Ce sont des architectes paysagers, des passeurs de montagnes sonores. Au piano mélodieux ou furieux de Martin Tingvall se mêlent les délicatesses d’une incroyable justesse et profondeur de la contrebasse d’Omar Rodriguez Calvo, magnifique, et l’époustouflant jeu à la batterie de Jürgen Spiegel simple et retenu ou roulant comme ouragan. Avec quelques touches d’humour, quelques accords tendres, de l’énergie débordante, du soleil ou de la mélancolie dans les esses de la contrebasse, un soupçon de thème folklorique de chez soi ou d’ailleurs, des frôlements délicats de balais, le trio est sans arrêt sur le fil du rasoir de la modernité ou du classicisme, porté par un beat roulant et avançant à perdre haleine. La mélodie se balade, rebondissant sur l’archet vibrant ou sur les touches d’ivoire, la batterie se fait chanson. Pas de ficelles, pas de trucs tout faits. Tout surprend. Jamais l’International Express ne tombe dans les précipices, il avale les chemins et les vallées rien que pour nous. Un monde s’ouvre.
De fait, l’attention ne se dilue pas une minute, il y a toujours un petit sentier caché, une pierre folle qui brille, une phrase inattendue, une badinerie ou un clin d’œil amusé.
Happé par l’atmosphère voyageuse ou onirique, le public attend la dernière note, le dernier silence à savourer pour applaudir. Le rappel sera aussi beau que le reste, un miraculeux « Mook », plein d’ardeur et une balade simple et épurée finissant sur deux notes légères.
Trois Echo Awards pour « Le groupe de jazz de l’année » et « Le concert de l’année » en Allemagne, quatre Jazz Awards respectivement pour la vente de plus de 10 000 disques pour leurs quatre albums : « Skagerrak », « Norr », « Vattensaga » et « Vagen » nous remémorent s’il en était besoin la qualité exceptionnelle de ces trois musiciens à découvrir d’urgence.
On aurait pu être plus nombreux à monter dans l’International Express de Tingvall trio et à se laisser embarquer, mais peut importe, le voyage fut beau, jamais futile, plein d’images musicales et superbes.
Pour une fois j’ai presque manqué de mots pour le dire…
Merci à Christian Coulais pour les photos « à l’arrache » au téléphone portable.